Chez Damien Voglaire, 456 lots pour la vente d'art moderne et contemporain du 16 novembre. De tout et à tous les prix.

A peine fianchi le seuil de la salle de ventes de Saint-Gilles, Damien Vo-glaire et Christophe Derouet me parlent des Mandelbaum. Arie, le père, qui vit toujours, et Stéphane, le fils, assassiné en 1986, à 25 ans. « Regardez ce nu de dos, c'est Pili, la femme d'Arie, la mère de Stéphane», indique Christophe. « Un pastel sur papier, dédicacé et daté 1958. Un magnifique trait, n'est-ce pas ? Nous avons plusieurs Mandelbaum, père et fils, venus d'une collection parti-culière.» Il y a un autre grand pastel sur papier, Aux amis d'Amérique, où l'on peut reconnaître Arie et Pili, et sans doute les trois enfants dans le bas. Et un petit aquarelle et lavis, L'arrestation de Lu-mumba, juste rehaussé de rouge. Et des œuvres de Stéphane : Arthur Rimbaud I, Francis Bacon I, Portrait d'homme au chapeau, Shoret, fortes, puissantes. Comme ce Salomon Mandelbaum, sans doute son cousin, dessiné au stylo à bille bleu. «C'est intéressant d'avoir le père et le fils en regard. » Pour les experts de la maison de vente, c'est sans aucun doute un des trésors qu'ils mettent aux enchères. A des prix divers : les estimations vont de 150 à 8.000 €. Après les Mandelbaum, zoom sur Marc Trivier, le photographe belge qui vient de mourir. Six photos de sa série sur les fous. Sans doute photographiée dans un hôpital psychiatrique. « Un travail très frontal, fort, intense. Et l'encadrement est d'origine, voulu par Trivier lui-même. » Estimation : 200 à 500 €, selon les photos. En parlant photo, Christophe Derouet montre une grande œuvre d'Antoine d'Agata. Le visage d'une femme en 1 m 85 sur 1 m 38. Choc. Le titre : Géorgie. Elle est reproduite dans le livre Le printemps géor-gien, édité par Magnum. Est : 2 à 3.000 €.

La sérénité d'Atamian, l'humour de Stas Et puis, il y a Jean Tinguely. L'artiste suisse met de la couleur dans la salle de vente avec ses cercles qui sont comme autant de rouages et qui font rouler chromatiquement le tableau dans les yeux et les esprits. C'est joyeux et beau. Tinguely a aussi réalisé cette Composi-tion, à l'encre, sur carton, en référence à la sculpture de Calder, L'oreille tourbillonnante, qui trône aujourd'hui au sommet du Mont des Arts à Bruxelles. Et cet ouvrage de Pontus sur Tinguely, un livre sous forme de mallette comprenant un 45 tours et un dessin de l'ar-tiste, Meta-Matic, « exécuté en collaboration avec Meta-Matic », une machine en fait. Un livre-objet de 1974. Celui-là est estimé 400 à 600 €. Les autres Tinguely atteignent 3 à 7.500 €. Il y a de l'abstraction optique de Hor-bath, une toile d'Enrico Castellani, du mouvement Zéro. Du Chagall, de l'Ale- chinsky, du Broodthaers, du Magritte, du Bury, du Keith Haring, du Picasso, du Yoko Ono, du Bram Van Velde, du Karel Appel, du Vinche, un très beau Nu au miroir de Zdenck Virt (pas cher : estimation de 100 à 150 €), une photo Kate Moss au turban d'Albert Watson (plus cher : 5 à 7.500 €). Et puis de magnifiques photos quasiment abstraites, en noir et blanc, de Serge Vandercam, tirées à seulement trois exemplaires. Et puis, dans cet assemblage de tableaux expressionnistes, abstraits, très colorés ou sombres panique, puissants et tourbillonnants, émerge un petit tableau de Charles Atamian, Sur la plage. Une femme en maillot et bonnet, les pieds dans la mer. C'est serein, calme, souriant. Avec un mystère quand même : que regarde-t-elle, cette femme ? Et surgit aussi un collage d'André Stas, La Récréation, qui reprend la Marie Madeleine lisant de Rogier van der Weyden, un peintre du XV siècle. Hommage? Sans doute. Sauf que ce qu'elle lit, ce n'est plus la Bible ou un texte de dévotion mais un Bob et Bo-bette. Une belle pointe d'humour.

Jean-Claude VANTROYEN